DE L'AUTISME

ET D'UNE DEMARCHE D'EDUCABILITE

 

Par Agnès PENEY

Directrice de la Maison Michelet de Nancy (54)

A.E.I.M. (Adultes et Enfants Inadaptés Mentaux de Meurthe et Moselle)

 

Définition de Wendy Brown de l'école de Broomhays de l'éducateur idéal d'un enfant autiste :

 " Il doit aimer l'enfant parce qu'il est autiste, et non malgré le fait qu'il soit autiste "

 

 

SOMMAIRE DE LA PAGE

 

Préambule

 

Définition de l'Autisme

 

Epidémiologie

 

Etiologie

 

Maison Michelet :

Une expérience de prise en charge auprès d'adultes déficients mentaux, atteints de surcroît d'Autisme

 

 

 

PREAMBULE :

 

S'il existe un mot en psychiatrie, psychologie éducation qui a fait couler beaucoup d'encre et qui malgré de nombreuses recherches, ne fait toujours pas l'unanimité de la communauté scientifique et médicale, c'est sans nul doute "Le mot Autisme".

 

Je me garderai ici de reprendre l'historique (cf. bibliographie) mais je suggérerai d'observer le tableau n° 1 où figurent les différentes classifications actuelles françaises et internationales, aboutissement de cette histoire.

 

Il est évident qu'en fonction de ces différentes classifications, la terminologie utilisée pour diagnostiquer des personnes atteintes d'autisme peut-être très différente et entretenir des confusions.

 

Mon expérience professionnelle m'a confronté à beaucoup de personnes souffrant d'autisme pour lesquelles les diagnostics étaient très divers quant à la terminologie.

 

En voici quelques exemples :

 

- autisme massif à carapace externe

- psychose déficitaire

- psychose symbiotique

- autisme pur

- psychose déviante

- déficience mentale sévère (cette personne a appris à lire en un an!!!)

- psychotique

- psychose avec bizarrerie

- psychose avec troubles relationnels

- troubles de la personnalité etc.

 

Le mot Autisme (cf. étymologie), à lui seul, a contribué à considérer comme symptôme majeur le repli sur soi, alors que ce repli est en fait une conséquence des difficultés rencontrées par ces personnes.

 

  

DEFINITION DE L'AUTISME

 

Si l'on demande à des parents ou des professionnels de donner une définition ou décrire une enfant autiste, les qualificatifs fourmillent en variété et en différence :

 

                 Intérêt marqué pour certains objets

affectueux                           nerveux                                   indifférent

têtu                    agressif                     répète toujours les mêmes mots

passif                            compétent                              peu d'initiative

absence de communication                              irritable

pas de motivation                                               ne sait rien faire

                                                                             etc........etc.....

 

Afin de relever ce qui véritablement caractérise la personne autiste, il a fallu déterminer un fil conducteur.

"Incapacité à regrouper de l'information pour en déduire des idées cohérentes et pourvues de sens"

La personne autiste est défaillante sur la compréhension du monde qui l'entoure.

Ces incapacités produisent des altérations qualitatives très importantes qui vont préciser les symptômes de base suivants de ce trouble envahissant du développement (T.E.D.)

 

- Troubles des interactions sociales :

 

Pas ou peu de réaction vis à vis des autres. Cela va du repli sur soi ('Enfant bulle') à une absence de compréhension des routines sociales.

 

- Troubles de la communication verbale et non verbale :

 

Absence de langage, langage n'ayant pas une valeur de communication, bizarre, echolalique, conversation à préoccupation égocentrique.

 

- Résistance au changement/activités répétitives/stéréotypies

 

- Début des symptômes avant l'âge de 30 mois :

 

Ces symptômes de base existent chez toutes les personnes diagnostiquées comme autistes (avec bien sûr des degrés différents)

 

A ces symptômes de base peuvent se surajouter des différences qui sont en fait les conséquences de ces symptômes, mais qui en aucune façon ne peuvent être déterminants dans des critères de diagnostic.

 

 

C.F.T.M.E.A. (Ministère affaires sociales santé 1988)

C.I.M. n° 10 (O.M.S.)

D.S.M. III R 1987

D.S.M IV 1994

Psychoses infantiles

T.E.D. (troubles envahissants du développement)

T.E.D.

Syndrome autistique

Autisme infantile précoce de Kanner

Autisme infantile

Troubles autistiques

Syndrome d'Asperger

Autres formes de l'autisme infantile

Autisme atypique

T.E.D. non spécifié

Syndrome de Rett

Psychoses précoces déficitaires

Syndrome de Rett

 

Autres troubles désintégratifs

Dysharmonies psychotiques

Autre troubles désintégratifs

 

Autres T.E.D.

+(?) Troubles de la personnalité pris dans une dysharmonie évolutive ?

Troubles hyperactifs avec retard mental et stéréotypies

 

Syndrome d'Asperger

 

Autres T.E.D.

 

T.E.D. non spécifié

 

T.E.D.non spécifié

C.F.T.M.E.A. :Classification française des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent 1988

C.I.M. :Classification internationale des maladies (Organisation mondiale de la santé

D.S.M.I :Manuel Statistique et Diagnostique des troubles mentaux

 

 

Le niveau intellectuel:

 

Tout le monde connaît l'image du 'bel autiste intelligent'. La réalité tend à prouver le contraire. En fait, plus des 2/3 présentent une déficience mentale avec un retard intellectuel (léger, moyen ou sévère) : 40% des enfants ont un QI < à 50 *

 

30% ont un QI non verbal en dessous de 70

moins de 5% peuvent être considéré comme ayant une intelligence dans une fourchette normale (>80)

 

Bien sûr certains présentent ce qu'on appelait des 'îlots d'intelligence'

(Cf. Rain man) troublants.

De plus ils présentent avec des profils très différents, un fonctionnement cognitif très particulier.

 

Les troubles du comportement:

 

Malgré leur fréquence (~ 10 fois plus que chez les handicapés mentaux ordinaires) ils ne sont pas significatifs de l'autisme.

C'est souvent leur seul moyen de communication.

En présence d'un trouble du comportement, il faut toujours se poser les questions suivantes :

- A-t-il mal?

- Veut-il que je m'occupe de lui

Ensuite pousser l'observation et l'investigation plus loin.

 

Que peut-on observer?

 

- des troubles agressifs :

colères, coups, automutilation, jets d'objets, destruction délibérée, ingestion d'objets

 

- des troubles alimentaires :

refus, sélectivité rigide, anorexie, boulimie, vomissement volontaire, régurgitation

 

- des troubles du sommeil et du rythme jour/nuit

 

- des troubles de la propreté et de l'hygiène :

pas d'acquisition de propreté, jouer avec ses matières fécales ou celles des autres, se roule dans la boue etc.

 

- des troubles 'sociaux':

rires, pleurs immotivés, utilisation des autres comme extension de soi

opposition, mensonge, vol, paresse, passivité, adhésivité, abolition du sens du danger, indifférence totale, hyperactivité rendant impossible toute activité, hyper attention envers l'adulte, masturbation, comportements sexuels inacceptables, cris, hurlements, agressions verbales, accaparement d'adultes connus ou inconnus etc.

 

  

EPIDEMIOLOGIE

 

Ratio: 5 pour 10000 représenté dans le cas d'un tableau pur et complet.

Si l'on prend en compte l'autisme associé à un retard mental, on arrive à 10 pour 10000.

Certains auteurs parlent de 10 à 15 pour 10000 dans un continuum autistique large.

En Meurthe et Moselle cela représente en 1996 : 70 enfants - 350 adultes

 

Si l'on prend en compte un continuum autistique

200 à 300 enfants 1000 à 1400 adultes

 

Sex ratio : 4 garçons pour 1 fille

Les cas les plus graves laissent apparaître une proportion égale de filles et de garçons.

 

Milieu social: Touche tous les milieux

 

 

ETIOLOGIE

 

Actuellement il n'existe que des hypothèses en ce qui concerne les causes possibles de l'autisme.

 

- Hypothèses psychogénétiques

 

L'autisme serait dû à une réaction de défense face à une attitude parentale plus ou moins consciente, nocive.

 

Bruno Bettelheim : vulgarisation importante en France dans le secteur psychiatrique, les écoles d'éducation.

 

Klein et Malher : troubles de l'intégration, troubles de la séparation, individualisation.

 

Frances Tustin: deux types d'autisme

1) l'un organique lié à une liaison cérébrale

2) l'autre psychogène lié à une réaction catastrophique à une situation dont l'effet traumatisant n'est pas forcément évident (fragilité de départ)

 

Pour une majeure partie des spécialistes étrangers, l'hypothèse psychogénétique n'a plus qu'un intérêt historique

 

- Hypothèses génétiques

 

Pourquoi cette piste?

Des éléments sont troublants : on remarque

- concentration dans les familles 3% dans la fratrie, 60% en cas de jumeaux monozygotes

- X fragile dans 7% des cas

- Crises d'épilepsie : entre 30 et 40% des personnes autistes sont    épileptiques à l'adolescence

-  association Trisomie Autisme

- '' Maladie de Bourneville Autisme

- découverte par le Professeur Muh d'une anomalie génétique sur le chromosome 11 dans un nombre significatif de cas

Depuis, d'autres chromosomes semblent aussi être porteurs d'anomalies (7/13/15/16)

- Hypothèses de complications obstétricales périnatales ou postnatales due à :

- agents infectieux (herpès, rubéole, toxoplasmose)

- hémorragies méningées

- encéphalopathies évolutives ou non (vaccin variole)

- maladies métaboliques : phénylcétonurie hydrocéphalie

- traitement pendant la grossesse (piqûres pour éviter une fausse couche)

- anoxie - néonatale

- Hypothèses biochimiques et neurologiques

On retrouve des anomalies du système dopaminergique : élévation de la sérotonine chez 30 à 35% des autistes, augmentation du taux des endorphines.

 

- Hypothèses de dysfonctionnement et (ou) lésion structurelle du cerveau

Il s'agit ici d'une recherche approfondie à partir d'examens (IRM par exemple ou plus complexe). Ces nouveaux modes d'exploration ont déjà décelé des anomalies concernant l'hémisphère gauche du cerveau (zone de langage) et des atteintes sur le cervelet.

 

En conclusion : Il s'agit bien d'un syndrome; une même pathologie avec des causes très diverses.

 

Uta Frith explique :

"Il existe quelque part dans la chaîne, une cause unique, mais les agents susceptibles d'affecter ce maillon critique sont nombreux et variés"

De ce fait comment envisager une thérapeutique miracle?

 

 

Maison Michelet

Une expérience de prise en charge auprès d'adultes déficients mentaux

atteints de surcroît d'autisme.

 

Présentation de l'établissement:

 

L'établissement est un foyer occupationnel en accueil de jour non médicalisé ouvert depuis Septembre 94 pour 25 adultes déficients mentaux déclarés par la C.O.T.O.R.E.P. inaptes au travail. En Octobre 1995, le nombre de places s'étend à 40 puis à 55 en Juillet 98.

Il se situe dans les locaux d'une ancienne école désaffectée (Ecole Michelet), acquise par l Association AEIM (adultes et enfants inadaptés mentaux) dont il dépend.

La Maison Michelet est située dans une zone urbaine à forte densité, sur une hauteur appelée le Haut du Lièvre.

 

Historique de la prise en charge:

 

Les raisons de la décision C.O.T.O.R.E.P. "inapte au travail " déterminant l'entrée au Foyer Occupationnel sont diverses : incapacité de travail, problèmes médicaux incompatibles avec la présence de machines dangereuses (épilepsie grave), motivation inexistante, refus de travailler, autisme ....

Dès l'ouverture, l'équipe est confrontée à la difficulté de prise en charge des personnes atteintes d'Autisme qui représentent 40% de la population.

Une volonté de la part des professionnels de répondre à ce handicap spécifique va s'engager rapidement. Pourquoi ?

-la prise en charge traditionnelle pour personnes déficientes mentales ne répond pas à la problématique des personnes atteintes d'Autisme

-les troubles du comportement envahissent le quotidien et désorientent l'équipe (violence/automutilation)

-les deux directrices qui se succèdent de 94 à 97 sont très conscientes de la nécessité d'offrir une autre prise en charge et de s'investir dans un projet innovant à l'égard des personnes handicapées adultes autistes

-quatre membres de l'équipe connaissent le problème de l'autisme (stage théorique modèle Teacch sur les stratégies éducatives déjà réalisées) et possèdent des expériences dans d'autres secteurs (IME/MAS)

-les parents épuisés, vivent pour certains d'entre eux un enfer qu'ils expriment aux professionnels

 

Début de la prise en charge:

 

Fort de l'expérience de quelques professionnels connaissant l'autisme et les prises en charge spécifiques proposées par le programme " Teacch ", l'équipe va s'engager dans un projet de longue haleine :

  

- Les aides:

 

Les formations financées par France Telecom

 

L'arrivée d'un psychiatre (1/2 jour par semaine), embauché par l'A.E.I.M. pour la prise en charge des personnes atteintes d'Autisme, psychiatre au demeurant, ouvert au projet innovant qui est celui de l'équipe (L'Association donne son accord à sa présence dans l'établissement)

 

Le bénévolat d'une psychologue qui, intéressée par cette prise en charge, se joint à votre projet

 

-La prise en charge spécifique:

 

Les deux objectifs de départ furent :

1) L'évaluation des personnes : Test AAPEP

2) La structuration de l'espace et du temps

 

Le travail est lent, l'encadrement est insuffisant (absences pour formation diplômante AMP, Moniteur Educateur, ratio d'encadrement prévu pour un Foyer Occupationnel, l'établissement n'est pas reconnu comme un établissement accueillant des personnes autistes).

 

Toutefois, très rapidement, des progrès apparaissent qui motivent d'autant l'équipe et commencent à interpeller les familles :

 

-Troubles du comportement en régression (sans médicalisation supplémentaire, violence/automutilation)

 

-Meilleure compréhension du fonctionnement des personnes

 

-Compétences des adultes qui se découvrent

 

-Début de mise en place de communication alternative

 

-Collaboration parents/professionnels qui s'instaure

 

-Stratégies éducatives diversifiées

 

-Variété dans l'animation proposée

 

 

Constat d'aujourd'hui :

  

Septembre 1994 à Novembre 2000

 

Cinq années se sont écoulées. L'effet et le dynamisme de l'équipe est toujours présent. Certains professionnels sont partis (le psychiatre), d'autres leur ont succédés avec ce souci de poursuivre le projet. Les résultats observés dès la première année se sont maintenus et il est fort agréable de voir les personnes atteintes d'autisme, apaisées, souriantes, bien dans leur tête, bien dans leur corps. Bien évidemment, de temps à autre, ils manifestent encore quelques troubles du comportement (toutefois 90% ont disparu) mais maintenant l'équipe en comprend la raison et peut ainsi apporter des réponses adéquates.

Les familles collaborent de plus en plus et de ce fait, gèrent mieux la prise en charge de leur enfant.

 

Elles ont apporté la richesse de la connaissance de la personne permettant de mieux la cerner.

 

La communication reste notre souci permanent, nous n'avons pas encore abouti totalement mais les cartes de communication ont apporté pour certain un confort non négligeable.

 

L'équipe s'est étoffée : Arrivée d'un emploi jeune (collaboration d'une prise en charge pour personnes autistes)

 

Conclusion :

Une expérience riche, qui s'inspire en majeure partie du 'Programme Teacch'.

La psychiatrie, nous ne la rejetons pas, bien au contraire.

Elle nous a aidés à protéger les adultes de leur violence, les apaisant, nous permettant ainsi d'agir auprès d'eux en leur proposant des solutions qu'il pouvait intégrer (beaucoup d'adultes n'ont pas eu de prise en charge spécifique avant l'âge de 20/25/30 ans) Cette aide est passagère et évolutive. 

Il reste encore beaucoup de travail à réaliser :

 

-accentuer la recherche auprès des personnes présentant un autisme lié à une déficience mentale sévère

 

-généraliser la prise en charge

 

-Investir encore plus la communication