L'intégration scolaire des enfants handicapes mentaux 

 Céline Marchal (Conseillère en économie Sociale et Familiale)

LA LONGUE MARCHE DE L'INTEGRATION SCOLAIRE DES ENFANTS  HANDICAPES

 

La création des classes spécialisées
La naissance d'une politique d'adaptation et de prévention
L'adaptation et l'intégration scolaire
La notion d'integration
Les enjeux de l'integration scolaire des enfants handicapes mentaux légers 

 

La création des classes spécialisées

Historiquement, on situe la naissance de l'éducation spécialisée à la fin du 19eme siècle, début 20eme, juste après la démocratisation de l'enseignement laïque. Elle est marquée officiellement par la promulgation de la loi du 15 avril 1909 créant les classes de perfectionnement. Cette dernière résulterait d'un compromis entre médical et scolaire, mais également de la gêne du corps enseignant face à toute une nouvelle frange d'élèves ne pouvant pas se plier aux normes d'éducation et de discipline. 
Avant cette date, le docteur Bourneville faisait figure de précurseur. En humanisant les asiles, il tentait de les transformer en lieux d'éducation et de soins, remplaçant ce qui était jusque là des lieux d'enfermement. 
Il s'agissait, dans un premier temps, de proposer aux plus atteints des classes spéciales à l'intérieur des asiles. L'autre axe défendu par Mr Bourneville était de réclamer la création de classes spécialisées à l'intérieur des écoles pour "les cas limites" ne pouvant malgré tout être normalement scolarisés. 
Par la suite, les docteurs Binet et Simon contribuèrent à détecter et à définir, le plus précisément et le plus précocement possible, les enfants anormaux par la création de la première échelle psychométrique. Elle permit d'éviter de céder aux impressions subjectives qui pouvaient entraîner l'orientation en classe de perfectionnement des enfants d'intelligence normale, mais uniquement avec un retard scolaire prononcé.
Cependant, la démarche contribua tout de même à ne plus admettre non seulement des "enfants arriérés des deux sexes", comme les textes officiels le disaient, mais également des enfants en échec ou en retard du fait de facteurs externes sociaux et familiaux. 
La construction idéologique de la débilité légère de l'époque contribua ainsi à l'exclusion scolaire sur fond d'échelle psychométrique. D'autant plus que les instructions officielles pour la création des classes spécialisées ne tiennent pas compte du tout de la mise en garde des docteurs Binet et Simon. Pour eux, la scolarisation en classe de perfectionnement ne peut être une solution définitive pour les "débiles légers" pour qui le retour en classe ordinaire devrait être un objectif. 
Par ailleurs, les enfants instables, écartés par les textes officiels, continuèrent néanmoins à être orientés massivement en classe de perfectionnement.
 

 

La naissance d'une politique d'adaptation et de prévention

C'est officiellement en 1970, avec la parution d'une circulaire de l'éducation nationale que le concept d'adaptation et prévention se substituera à celui d'inadaptation jusque là employé. 
L'approche de ces textes postule qu'avant toute prise en charge, souvent définitive, en classe d'enseignement spécial, au titre d'un handicap posé comme irréversible, tout soit tenté en amont. 
Ainsi, l'ouverture des classes d'adaptation devrait permettre, au moyen d'un enseignement adapté, de réduire les retards scolaires et de "réinsérer" les élèves dans la mesure du possible en classe normale. Cependant, malgré cette législation qui tente de lutter contre l'exclusion, on verra dans les faits un grand nombre de débiles légers fréquenter encore les classes de perfectionnement. 
L'idée forte du moment sera celle d'une transformation de l'école dans son ensemble s'illustrant par le fait qu'il devient désormais possible à un enfant en grande difficulté de continuer à fréquenter une classe ordinaire. On obtiendra peu à peu une tolérance plus grande de la part des enseignants entraînant petit à petit la fermeture des classes de perfectionnement. 

 

 

L'adaptation et l'intégration scolaire

D'un concept d'enseignement d'adaptation, on passe désormais à un enseignement adapté. La différence essentielle réside dans le fait que le premier visait à réadapter l'élève au système sans modification du modèle préétabli, alors que désormais l'enseignement adapté vise ) adapter l'enseignement ordinaire aux potentialités de l'élève, et donc en modifiant le modèle. II n'y a plus aujourd'hui de terme générique pour dire d'un enfant que son handicap justifie une éducation radicalement autre et à part. 
Le champ de l'éducation spéciale à proprement parler s'est donc déstructuré ; il a perdu de son autonomie au profit d'un dispositif global centré sur le projet de l'élève, chaque fois que s'avère possible et profitable la scolarisation en école ordinaire.
 

 

 

La notion d'integration
 

Cette notion est issue du latin integrare "renouveler, rendre entier" (action de faire entrer une partie dans le tout). Pour les sciences sociales, elle peut désigner un état de forte cohérence entre les éléments. Elle concerne soit un système social en tant que tel, soit le rapport individu-système social. 
Selon T. Parsons, l'intégration constitue une des fonctions du système social, assurant sa coordination. Il a étudié l'intégration à travers les rôles sociaux dans le groupe, s'exprimant sous forme de normes, d'habitudes, de modèles socioculturels de conduite.
En France, un autre sociologue, E. Durkheim, parle de l'intégration à partir de groupe constituant une société. Il considère qu'un groupe est intégré dans la mesure où ses membres possèdent une conscience commune, partagent les mêmes croyances et pratiques, sont en interaction les uns avec les autres et se sentent voués à des buts communs.
Ainsi, l'intégration a été étudiée par le biais des groupes ou des membres qui les composent.
Mais tout individu appartient toujours à un groupe et se situe dans la société globale. Dès lors, parler d'intégration à la société générale est équivoque, car il y a autant de formes d'intégration qu'il y a de formes de sociabilité, de formes de groupements avec leurs rapports différents avec la société globale.
Les forces intégrantes, quelles que soient la philosophie ou l'idéologie adoptée, contiennent un ordre de valeurs, de sorte que C. Angelle (dictionnaire d'action sociale) définit l'intégration comme l'affirmation d'un ensemble de fins et de valeurs communes vers lesquelles les membres d'un groupe donné sont orientés et qui sont déterminantes pour la vie de ce groupe. 
D'un sens plus fort que celui d'insertion, le concept d'intégration révèle ainsi les attentes de la société face à ces personnes ou groupes.
Ainsi, on peut comprendre l'intégration, en sociologie, comme la cohérence d'un ensemble sociale et le résultat de la socialisation qui amène l'individu à occuper sa place son statut et à remplir ses rôles sociaux. 

 

 

Les enjeux de l'integration scolaire des enfants handicapes mentaux légers 

La démarche de l'intégration scolaire des élèves présentant une déficience intellectuelle doit être abordée pour chaque école primaire, en excluant tout a priori et tout dogmatisme et en faisant preuve d'une grande souplesse. 
Cette démarche est indissociable de la mission assignée au système éducatif d'offrir à chaque enfant la possibilité de développer sa personnalité, de s'insérer dans la vie sociale, culturelle et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. 
Elle permet également à des élèves "ordinaires" la mise en pratique de valeurs telles que le civisme, la solidarité, le respect des autres et de leurs différences, valeurs reconnues et promues par l'institution scolaire tout entière. Par exemple, la tolérance est présente lorsque les enfants "normaux" de l'école primaire Y, jouent et travaillent avec les enfants de la classe intégrée. Ici, la notion de tolérance est largement abordée et acceptée puisque aucune barrière n'est dressée, car ni enfant, ni
adulte ne les posent. Le travail artistique, par exemple, se fait en groupe, ensemble sans problème d'intolérance. 
Organisée à partir des besoins de l'enfant considéré dans sa singularité, se déroulant dans un lieu scolaire ordinaire, l'intégration ne se limite pas à une simple action de socialisation mais elle vise à permettre à chaque élève handicapé, de poursuivre au niveau le plus avancé des apprentissages scolaires. 
Aussi, sans que des limites puissent être définies a priori, un certain nombre de conditions semblent être nécessaire pour permettre la participation en milieu scolaire ordinaire, soit pour les élèves présentant un handicap mental, témoigner d'une capacité de communication, de socialisation et faire preuve d'une dynamique de progrès dans les apprentissages scolaires. 
Pour la Directrice de l'école primaire Y, il ne fait aucun doute que l'intégration scolaire est un enjeu primordial pour ces enfants en difficulté 
"Cette démarche les amène à les insérer dans un système éducatif ordinaire, à rencontrer des élèves dits "normaux", à leur faire comprendre qu'ils font partis de l'école, comme tout autre élève, qu'ils peuvent accéder à des connaissances, à des relations ". 
L'intégration scolaire des enfants handicapés mentaux légers est un projet important pour les élèves eux-mêmes, pour leurs parents, les différents professionnels et les institutions. 
Cette démarche leur permet de s'insérer dans un milieu ordinaire, de s'ouvrir aux autres et réciproquement, de découvrir un autre système que celui de l'établissement spécialisé, de se considérer comme des enfants identiques aux autres, qui vont à l'école et qui apprennent. 
Marie (10 ans): « On est bien à l'école, mai j'aime bien ma maîtresse et les autres... on est mieux qu'à l'IME ». 
De plus, cette intégration leur permet de se découvrir des qualités, des capacités, de dépasser leurs pensées à être différent. 
Leur esprit est ouvert à toutes les possibilités et s'élargit de façon positive. 
Pour certains, ces changements les amènent à un mieux être, une envie de continuer, à une satisfaction. C'est souvent le cas des élèves qui intègrent peu après une classe normale. 
Les enjeux de l'intégration scolaire sont importants et non négligeables. Ils permettent l'intégration professionnelle, l'intégration sociale, en définitif l'intégration globale dans notre société.