La Loi de 75 inappliquée
La loi dans ses deux volets prévoit l'obligation scolaire et éducative pour les enfants handicapés
Les circulaires et décrets d'application de celle-ci, précisent les modalités de mise en place et les responsabilités de chaque administration ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour une bonne application de la loi.
Celle-ci stipule que :
o Les enfants doivent êtres orientés prioritairement en milieu ordinaire.
o Leur intégration doit être accompagnée d'un soutien spécialisé et éventuellement des soins et rééducation que nécessite leur état.
o Les acquisitions scolaires, qui ne peuvent être ignorées, ne seront pas seules prises en compte. C'est aussi en termes d'évolution et de progression dans le développement de l'enfant ou de l'adolescent que s'apprécie le bénéfice de l'intégration.
o Un refus de principe ne saurait être opposé à l'intégration scolaire d'un élève handicapé, que la demande émane directement de sa famille ou qu'elle soit déposée directement par un établissement ou un service spécialisé.

La loi de 1975 prévoit que toutes les chances soient données à l'enfant intégré, avec des aides si nécessaires, afin qu'il puisse dans les meilleures conditions rester avec ses camarades en classe ordinaire. La décision d'une orientation doit être donc motivée.
Dans le cas où cette intégration, malgré toutes les aides apportées, s'avère être trop difficile pour l'enfant, celui-ci, peut être orienté en classe d'intégration scolaire (CLIS).
Ces classes sont situées au sein de l'école afin de permettre aux enfants de garder la possibilité d'être intégrés dans les classes ordinaires suivant le projet d'intégration mis en place entre l équipe pédagogique, les parents et les personnels médicaux ayant la charge de l'enfant.
D'après la loi de 1975 ses circulaires et décrets, l'orientation en IMP devrait être la solution proposée aux parents en dernier ressort.
Malheureusement, force est de constater qu'elle est la première et souvent la seule orientation proposée aux parents par les divers services de l'Education Nationale (CCPE en particulier) sans que les autres possibilités (intégration en milieu ordinaire, CLIS) ne soient évoquées.
Les parents qui souvent ne connaissent pas la loi sont alors mis devant le fait accompli : leur enfant est handicapé, il devra aller en IMP.
Le refus des parents d'une telle solution, équivaut souvent à la descolarisation totale des enfants, qui seraient au nombre de 30 000 dans notre pays.

Les causes d'une telle situation :
o Le manque de formation des enseignants :
Depuis que la loi de 75 a été votée il y a 25 ans, les enseignants ne sont toujours pas informés du cadre de la loi de 75, à savoir :
-L'obligation d'accueillir les enfants handicapés
-Les aides pédagogiques complémentaires, qui ne peuvent être une condition préalable à l'intégration de l'enfant, mais doivent être fournies lorsqu'elle sont nécessaires.
De plus, si les enseignants accueillants n'ont pas été suffisamment informés ni formés, il faut aussi constater que l'Education Nationale n'a pas formé assez d'enseignants itinérants, spécialisés dans le handicap.
Paris, en est l'exemple flagrant, avec seulement deux enseignantes itinérantes spécialisées dans le handicap mental. Ces deux personnes devraient à elles seules, pouvoir travailler concrètement avec tous les enfants atteints de handicap mental en intégration en classe ordinaire.
Ne pouvant pas concrétiser un travail effectif avec les enfants, ces deux postes se limitent à de l'observation ponctuelle de l'enfant intégré, mais n'apportent aucun soutien réel et concret ni aux enseignants ni à l'enfant, sauf au moment des propositions d'orientation.

o La fragilité, la fatigabilité, face aux apprentissages ?
On oppose trop souvent aux parents le risque de fatigue et de fragilité que procurerait l'intégration scolaire en milieu ordinaire. Or, pour beaucoup d'enfants, il serait moins fatigant d'être à l'école dans leur quartier et près de leur domicile.
En effet, un enfant aujourd'hui inscrit en CLIS dans une autre école que celle de son quartier ou en IMP, a entre 3/4 d'heure et 2 heures de trajet.
Le temps de présence, en IMP, est de cinq jours d'affilé alors que l'école qui est de quatre jours avec la coupure du mercredi.. Cet éloignement et cette différence de rythme remet en cause l'apprentissage social au quotidien.
Pour l'enfant atteint d'un handicap, il est nécessaire de grandir avec ses camarades, de les rencontrer en dehors de l'école, au jardin, dans les activités de quartier ou être connu par les voisins, les commerçants, afin de favoriser l'acquisition d'une plus grande autonomie et la création d'un vrai tissu social dès le plus jeune âge.
Pour l'enfant dit " normal ", la présence à ses côtés d'enfants handicapés, écarte la peur qu'engendre la différence et permet ainsi un véritable apprentissage de la tolérance, en acceptant et respectant l'autre dans sa différence.
C'est une formidable leçon d'éducation civique !
o La souffrance et le décalage face aux apprentissages ?
Il n'est pas prouvé qu'un enfant handicapé à l'école soit plus en souffrance qu'un enfant dit normal, en dehors, bien entendu, des souffrances physiques possibles du fait même du handicap.
L'argument selon lequel " ils sont mieux entre eux" et qui est encore trop souvent opposé aux parents est un argument inadmissible et discriminatoire.
Il est par contre démontré, que les dits " normaux " rencontrent souvent des difficultés à vivre avec la différence. Ne serait-ce pas là une sorte de handicap ?