Sexualité... une histoire d'hommes et de femmes

(Christian Mallinger Chef de service)

 

Les éducateurs se complaisent souvent à parler d'épanouissement avec le sentiment qu'en ayant employé ce terme, nous aurions tout dit de nos bonnes intentions et de nos bonnes actions auprès des  adultes.  Or,  ce  terme particulièrement flou ne dit rien du tout.

 

Qui d'entre nous, à parler de son propre épanouissement, négligerait d'y inclure les relations sociales dont la relation amoureuse fait partie ! Mais celle-ci est quasiment exclue de notre propos lorsqu'il se réfère aux personnes handicapées comme si la réduction qu'elles subissent dans notre société ne suffisait pas.

En les nommant "adultes", nous tentons de leur reconnaître un statut, mais ce terme qui regroupe féminin et masculin, masque leur réalité physique et affective qui est d'être homme ou femme.

 

Comment penser que nous souhaiterions leur permettre de vivre ce que vit chacun d'entre nous, rapprocher leur mode d'existence au plus près de la normalité, si nous refusons de voir que ce qui les rapproche au plus près de vous et moi, est bien leur identité d'homme et de femme ?

Comment souhaiter qu'ils évoluent au travers des apprentissages que nous proposons, vers une valorisation de leur place dans la société et les vouloir en même temps aussi figés à notre désir de personne-enfant dont l'amour est tourné uniquement vers nous ?

 

Comment peut-on être aussi attentifs à tous ces petits détails du quotidien qui nous renseignent sur qui ils sont et être, en même temps, aussi aveugles devant leurs besoins affectifs et sexuels ?

 

Comment donner des repères pour que leurs besoins puissent s'exprimer et amener à ce que leurs élans amoureux soient soumis à une maîtrise si, précisément, la loi dominante est celle du silence ? Ce silence ne permettant pas aux éducateurs de mettre les mots qu'il faudrait pour expliquer ce corps qui vibre, ce cœur qui a ses raisons que la raison ignore.

 

Comment utiliser le ressort de la séduction pour que chacun puisse s'approprier son corps, en prendre soin, en être fier, chercher à le présenter sous son meilleur jour, tout en interdisant de récolter les fruits de cette séduction ?

 

L'aventure amoureuse n'est pas sans danger. Ce qui attire l'autre n'est pas forcément ce que j'ai envie de lui donner, ce que je suis prêt à lui offrir. Cette personne qui m'attire, peut très bien m'offrir le rejet en réponse. Mais le danger me paraît bien plus important si nous laissons les personnes handicapées l'affronter avec la fragilité qui est la leur.

 

Mais du danger de ne pas en parler peut venir l'excès de trop en dire. L'affectivité et la sexualité est beaucoup plus l'affaire de chacun que celle de tous. Accompagner ne signifie pas amener la personne vers une sexualité aboutie et consommée. C'est avant tout aider chacun à prendre conscience de ses propres limites sans chercher à les lui faire dépasser, sans chercher à le calquer sur les limites que nous lui imposons. C'est aider chacun à mieux vivre son corps dans le respect des règles sociales et en tenant compte de la façon dont l'autre, différent de nous, a un autre rapport à son propre corps.

La sexualité n'est pas affaire d'organes, elle est avant tout une histoire de valeurs, de dignité, de respect et il nous serait bien impossible de les faire passer si nous n'accordons aucune valeur à ce que sont réellement les adultes, c'est-à-dire des hommes et des femmes.

 

Cet écrit n'a pas la prétention d'apporter des réponses mais uniquement celle d'ouvrir un débat sur nos incohérences et les difficultés à traiter du sujet en toute objectivité.