SNOEZELEN

 

Snoezelen utilisation sur le terrain

par Ferouze Lazrak (éducatrice spécialisée)

 

 

I -PROBLEMATIQUE DE DEPART :

Du fait de l'hétérogénéité des troubles des usagers de l'établissement, j'ai pu constater, que bien souvent, les résidents les plus démunis ne pouvaient participer à différentes activités éducatives.

En effet, les actions proposées n'étant pas adaptées en raison de leurs problèmes moteurs, ces résidents, lourdement handicapés, se trouvaient donc exclus d'un bon nombre d'activités.

C'est ainsi, qu'avec une collègue nous avons réfléchi sur la possibilité d'offrir à ces résidents des temps forts. Les week-ends sont souvent l'occasion pour les plus autonomes de participer à des sorties diverses, alors que les plus démunis restent à l'établissement.

C'est pourquoi nous avons choisi de mettre en place une animation basée sur les sens un après midi du week-end.

Concrètement, il s'agissait d'organiser une animation récréative privilégiant un sens. Une fois par mois, chacun des cinq organes sensoriels fut mis en relief. Des séquences récréatives axées sur le visuel, sur le tactile, l'olfactif, et enfin sur l'auditif ont donc été proposées aux résidents. A la fin de chacune des séances, un goûter, préparé et dégusté ensemble, a permis de prendre en compte le gustatif. Ces différentes animations, ont fait l'objet d'un compte-rendu, indiquant leur déroulement et les observations individualisées.

Un bon nombre d'encadrants a manifesté de l'intérêt pour ce type de prise en charge et a contribué à la réussite du projet.

Le binôme, que nous formions avec ma collègue, a effectué le choix de poursuivre cette expérience. L'équipe de direction nous a encouragées dans ce sens. Par ailleurs, un membre de l'équipe s'intéressait à un concept Hollandais, le « Snoezelen ». Elle a effectué la visite d'un espace aménagé dans un établissement en Belgique. Elle nous a apporté une cassette vidéo, montrant les différents supports de l'espace et l'a étayé de commentaires en précisant les intérêts, de ce lieu d'aspect féerique.

L'engouement du personnel et de la direction pour ce concept amène l'institution à proposer de financer une formation « intra-muros » à laquelle 12 membres de l'équipe s'inscrivent dans un premier temps.

La formation consiste à s'approprier ce concept, par des expériences concrètes vécues en stage et par des apports théoriques, (mise en situation, ressentis, création de l'espace,....).

« II s'agit avant tout d'un mode d'approche, d'une façon d'accompagner, d'un type de rencontre, et non d'un lieu, d'une technique, d'une méthode ou thérapie.» Le stage a amené à considérer l'autre de manière différente. Il s'agit de se décentrer de ses pratiques habituelles, afin de privilégier l'écoute et d'apporter une aide à la personne lui permettant d'aboutir dans ce qu'elle a choisi et non de l'entraîner dans une direction particulière. « L'espace constitue une offre sensorielle sans attente particulière quant à la réponse de la personne recevant ces stimulations ».

La formation m'a permis d'en faire l'expérience, ce vécu fut riche, d'une part il a suscité de nombreuses interrogations sur mes limites, sur la vie en collectivité et d'autre part, à reconsidérer ma pratique professionnelle au quotidien.

Exemple : Un exercice pratiqué au cours de la formation :

Une personne se déplace les yeux bandés, faisant totalement confiance à l'autre pour la guider. Cela m'a permis de ressentir à quel point la relation de confiance est primordiale dans l'accompagnement des adultes.

C'est ainsi qu'est né l'espace « Snoezelen » au F.A.M.

Mes diverses expériences, notamment en expression corporelle, m'amènent à m'impliquer davantage dans cette direction.

A présent, je vous propose de définir et de décrire le concept « Snoezelen » à l'aide de photos illustrant les éléments constituant ce lieu particulier.

Dans un second temps, j'aborderai la présentation des résidents de l'unité des Capucines afin de démontrer en quoi l'espace s'avère être un outil intéressant.

Et enfin, au travers des différentes expériences vécues, je tenterai de mettre en relief les intérêts de l'espace « Snoezelen » dans la vie quotidienne des adultes.

II - ACTION EDUCATIVE

A/ Définition et contexte historique

« SNOEZELEN », ce mot est hollandais, il est la conjonction de deux mots « renifler » (sentir) et « somnoler ».

C'est à l'occasion d'une kermesse annuelle que deux psychologues néerlandais se sont aperçus de l'écart entre les stands proposés et les états physiques et intellectuels des résidents. Il s'ensuit l'idée de créer un espace destiné à faire sentir aux résidents différentes sensations. Le « Snoezelen » apparaît en 1978. Cet espace est basé sur la stimulation sensorielle et vise à favoriser la détente, la relaxation et la qualité relationnelle. « Snoezelen » est basé sur une philosophie de vie, c'est accepter que l'autre en face ou à côté de moi ne vive pas forcément les choses tel que moi je le souhaiterais, c'est percevoir le résident différemment, à partir de ce qu'il est, et non pas de ce que je veux qu'il soit. L'espace est engageant, il invite à vivre des expériences favorables à une meilleure perception du corps et de son environnement. L'accompagnant utilise son « savoir être » afin de rencontrer l'autre dans sa dimension humaine et de participer à l'amélioration de la qualité de sa vie. Il s'agit de formes de communications particulières, d'échanges sur les sensations.

B/ L'espace :

Le choix du lieu et de l'aménagement ont été discutés en équipe. Les membres du personnel ayant participé à la formation ont procédé à des choix en lien avec leur vécu de stage.

Le cadre dégage une impression générale de détente, de langueur. Il est une invitation à se centrer sur soi, à être à l'écoute de ses propres besoins, qu'il s'agisse de se laisser guider par ses sensations ou de chercher à agir sur cet environnement, de devenir acteur.

Le matériel spécifique, l'ambiance feutrée, le climat chaleureux favorisent le sentiment de sécurité et l'éveil des sens. En effet, l'équipement conséquent de ce lieu nous transporte "ailleurs". Chaque sens peut y être sollicité par les effets divers qu'offre cet espace singulier

Le matelas à eau, la chaîne hi-fi :

II procure des sensations de chaleur et des remous provoqués par le mouvement induit par la personne installée sur le matelas. Il est couplé à une chaîne hi-fi, les sons propageant des vibrations à l'intérieur du matelas. Tout le corps est enveloppé par la chaleur du matelas qui invite à la détente. Le contact est chaleureux, contenant, le matelas permet à deux personnes de pouvoir s'installer confortablement côte à côte. Des coussins aux tons pastel favorisent l'état de bien-être. Les illustrations qui vont suivre montrent l'association du matelas avec le solar.

Divers objets sont proposés et leur utilisation varie en fonction des résidents. Il s'agit de balles de textures et de formes différentes, de bâtons de pluie, de sablier liquide, de diffuseur de parfum, de plumeau. Ces objets sont manipulés de différentes manières, notamment par des massages.

L'audition, le toucher, l'odorat, la vue y sont sollicités, chaque participant trouve sa propre satisfaction en utilisant les supports de l'espace selon ses envies, son imagination, sa créativité, ses goûts, bref par ce qu'il choisit.

Le solar et la colonne à bulle :

La combinaison de multiples effets permet de créer diverses ambiances. Les couleurs habillent la pièce de manière chaleureuse. La stimulation visuelle domine, les huiles colorées attirent le regard de l'adulte. Elles favorisent la détente et la relaxation. La stimulation tactile intervient également grâce à la chaleur et aux vibrations émises par la colonne. Enfin, le clapotis des bulles d'air sollicite l'ouïe. La colonne à bulles est installée devant un miroir recouvrant tout un pan de mur. L'adulte s'installe confortablement sur un matelas couvert de coussins, il peut voir son image complète, il bouge, touche, regarde. ...

La nacelle :

Les balancements procurent des sensations de type archaïque, elle favorise la détente, le relâchement, elle apporte un sentiment de sécurité par l'enveloppement! Le plaisir d'être couché en étant bercé favorise la quiétude et la prise de conscience de son corps. Sensation corporelle d'être maintenu, contenu- enveloppé par le contact de la nacelle, la musique, la chaleur agréable de la pièce. Le rideau de fibres optiques offre ses multiples couleurs pour le plaisir des yeux.

La gerbe de fibres optiques :

 

Une gerbe de fibres optiques incite à sa manipulation, ces couleurs lumineuses fascinent le sujet qui prend plaisir à les promener sur les parties de son corps ou de celui de l'accompagnant.

 

C/ L'accompagnant :

L'espace « Snoezelen » induisant une attitude de disponibilité, d'ouverture à l'autre, se singularise par la possibilité, pour l'encadrant de sortir de son rôle habituel. Cette distance avec le quotidien autorise une grande proximité et l'instauration d'une relation privilégiée. Il s'agit d'une présence de qualité, utilisant l'écoute, le respect et l'observation fine, visant avant tout au bien être de l'adulte.

Arrivant dans ce lieu, on se déchausse, je me surprends également à défaire ma blouse, abandonnant ainsi ma fonction d'encadrement au quotidien au bénéfice d'un rôle de médiateur entre l'adulte et l'espace. Ma présence discrète est une aide facilitant l'envie d'agir et de découvrir du résident. Il ressent un sentiment de sécurité et je peux intervenir au niveau matériel si le besoin se fait sentir. La détente favorise le sentiment de liberté et l'esprit se libère.

III - PARTICIPATION DES ADULTES :

Au début, la prise en charge privilégiait les résidents les plus démunis sur le plan intellectuel et moteur, il s'agit principalement des sujets polyhandicapés.

A l'heure actuelle, tous les résidents ont la possibilité de se rendre à « Snoezelen », l'espace est ouvert aux résidents et encadrants qui souhaitent vivre une relation proche. Il est constaté qu'il procure un réel bien-être pour les autres adultes du F.A.M. Chacun utilise cet espace à sa manière, selon ses propres envies. Jeannette, Pauline, et d'autres, viennent à « Snoezelen » pour parler, elles utilisent l'espace, essentiellement comme un lieu de paroles, un lieu où elle « se racontent », un lieu où elles évoquent des souvenirs,....

Des éléments de vie sont communs à ces résidents, leurs relations avec leurs familles sont restreintes, ils manifestent des troubles du comportement relatifs au manque d'attaches familiales, à des carences affectives.

A/ Organisation de l'accompagnement « Snoezelen » : Quand ? Comment ? Spontanée et planifiée

Des rencontres régulières sont instituées entre les différents intervenants de cette action. Elles visent à harmoniser les prises en charge des adultes, à échanger sur leurs modalités, en terme de fréquence, de planning, de régularité. Elles traitent également les aspects matériels et organisationnels de l'espace « Snoezelen ». C'est un lieu d'échanges sur nos pratiques professionnelles afin de réfléchir sur les aménagements susceptibles de mieux convenir par exemple. La prise en charge concerne davantage les résidents les plus démunis, ceux pour lesquels cela semble adapté au regard de leur problématique. Les résidents polyhandicapés bénéficient d'une prise en charge régulière dans l'espace. Elle vise d'une part, à leur faciliter l'appropriation du lieu, et d'autre part, à instaurer une fréquence qui prenne sens pour eux.

La planification est également la règle pour les adultes qui demandent à se rendre à «Snoezelen» régulièrement, c'est le cas pour les adultes démunis sur le plan des attaches familiales. Elle vise à répondre de manière cohérente à leurs demandes.

L'organisation planifiée constitue une nécessité institutionnelle relative au temps de service des intervenants. La journée, des plages horaires sont définies, elles prennent en compte le temps de service des intervenants.

Des difficultés se posent quant à la régularité. En effet, le personnel d'encadrement travaille en 2/8, c'est-à-dire, une semaine le matin alternée avec une semaine l'après-midi. De plus, les jours de congés interviennent en semaine puisque les équipes éducatives travaillent les week-ends.

La prise en charge spontanée constitue des avantages. D'une part, lorsqu'elle correspond à une demande de l'adulte, ce qui permet de le satisfaire au moment où il le manifeste. D'autre part, elle a lieu à des moments où le personnel est le plus disponible, c'est-à-dire libéré des tâches quotidiennes ou lorsque le personnel est en nombre suffisant dans les unités de vie. Elle concerne plus particulièrement les week-ends et les soirées.

B/ Que souhaitons-nous pour eux en terme de projet de vie ?

Aujourd'hui, et ce, sous l'inspiration de nombreux pédagogues, les expériences démontrent à quel point la qualité relationnelle avec l'environnement et l'accompagnateur interfèrent positivement sur l'état psychique du sujet. Les modes de prises en charge ne se limitent plus aux aspects vitaux de l'individu. L'espace dans lequel nous vivons n'est pas neutre. Le cadre de vie peut être engageant, accueillant, chaleureux, calme ou à l'inverse, vide, neutre, froid, bruyant... Aujourd'hui, l'importance de l'environnement spatial a été démontrée, le lieu de vie n'est plus quelque chose de secondaire, le cadre dégage ce qu'il tient à promouvoir chez les usagers. Vivre, c'est dans un espace fait de vie, de gaieté, de couleurs ; l'aménagement des espaces constitue des indications, des significations quant à ce que la structure tient à promouvoir. Les murs donnent à voir ce vers quoi elle tend. Les objectifs du projet pédagogique de l'institution visent à une prise en charge de qualité favorisant l'épanouissement du sujet.

VI - Les bénéfices de cette action éducative

Le résident se réconcilie avec lui-même en se trouvant des valeurs positives, par l'intérêt qu'on lui porte, par le fait de se faire plaisir, se faire du bien, en se racontant dans une ambiance non agressive, de détente, d'ouverture, de bien-être. Se raconter pour se décharger de ses souffrances et trouver le réconfort chez l'autre...

De plus, les retombées positives apparaissent au quotidien dans le rapport à l'encadrant. En effet, les demandes et les exigences semblent ne plus être perçues comme coercitives par le résident. La relation proche vécue dans le cadre du « Snoezelen » a permis l'instauration d'une relation de confiance. L'adulte entend les demandes du professionnel non plus comme une forme de pouvoir sur lui, mais comme une démarche d'accompagnement dans la vie quotidienne.

D'une part, la mise à distance de la vie quotidienne favorise la relation de proximité, il s'agit d'une présence qualitative plutôt que quantitative. L'encadrant se sent libéré des contraintes liées à la quotidienneté, le rapport à l'adulte change, il vit une relation de proximité dans un espace prévu et aménagé à cet effet.

D'autre part, les résidents vivent, pour la majorité, 24h/24 dans la structure, ils subissent les divers troubles du comportement des autres. Certes, la vie institutionnelle revêt des aspects positifs, mais fort est de constater que l'hétérogénéité des troubles des adultes ne facilite pas la cohabitation sereine souhaitée Le regard positif porté sur l'adulte s'appuie sur les potentialités de l'adulte, l'accompagnement s'effectue sur cette base, elle vise à aider le sujet à vivre ses propres expériences sensorielles dans un espace stimulant, qu'il va peu à peu s'approprier.