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Vieillissement et Handicap Mental

LE VIEILLISSEMENT DES PERSONNES HANDICAPEES.

Intervention au conseil d'Europe (MAI 1997)

Ph.D'HOLLANDER

Attaché A.W.I.P.H.  (Agence Wallonne pour l'Intégration des Personnes Handicapées)

 

 

CONSTAT

 

Le vieillissement des personnes handicapées, phénomène relativement récent, s'amplifiera au cours des prochaines années, tout comme le vieillissement général de la population.

Ce vieillissement ne peut manquer d'interpeller les professionnels travaillant auprès des personnes tant handicapées que du grand âge.

Quelles sont, seront ou devront être les solutions et actions pour la fin du travail, l'hébergement, l'accompagnement, le projet de vie de la personne handicapée vieillissante... et que souhaite-t'elle ?

En étudiant la situation dans quelques autres pays européens, nous pouvons dégager quelques caractéristiques communes:

* il s'agit d'un phénomène relativement nouveau

* il existe peu ou pas de statistiques spécifiques

* aucun pays ne possède encore un plan d'action spécifique sauf, pour certains, une politique de désinstitutionnalisation et une responsabilisation des pouvoirs locaux

Comme partout en Europe, nous constatons en Belgique, un vieillissement de la population lié à l'effet conjugué de la dénatalité et de l'accroissement de l'espérance de vie. En l'an 2000, 20 % de la population aura plus de 65 ans (dont ± 2/3 de femmes). Cette proportion sera proche de 28% en l'an 2020.

Ce vieillissement est:

universel: il nous concerne tous:

les personnes handicapées

les familles

le personnel d'encadrement

les établissements

les associations

le pouvoir local, régional et fédéral.

différentiel :

nous ne vieillissons pas tous de la même façon.

exemple: différence en fonction de la manière dont on a vécu.

Les services et les structures mises à la disposition des personnes âgées d'une part et des personnes handicapées d'autre part sont les suivants :

a) personnes âgées

- services à domicile (aides-familiales, infirmières, repas à domicile, coordination des soins et services à domicile).

- maisons de repos

évolution importante -accès à la profession

-accord préalable pour l'ouverture

ou l'extension

-rôle accru du Bourgmestre

-nouveau décret en préparation

- maisons de repos et de soins (provenant ou non de la fermeture de lits hospitaliers)

- expériences-pilote en matière de :

* accueil de jour

* accueil familial

* résidences-service.

b) personnes handicapées

- Fonds de soins médico-socio-pédagogiques pour handicapés (Fonds 81) : aide précoce, internats et semi-internats pour enfants, homes pour travailleurs, homes pour non- travailleurs, homes nursing, centres de jour, placements familiaux.

- Fonds communautaire pour l'Intégration sociale et professionnelle des Personnes handicapées : centres d'orientation professionnelle spécialisés, centres de réadaptation fonctionnelle, centres de formation professionnelle, mise au travail dans le secteur ordinaire ou protégé, aide individuelle à l'intégration.

- NB : ces deux Fonds ont fusionné en Région wallonne pour créer l'Agence wallonne pour l'Intégration des Personnes handicapées (A.W.I.P.H.). Le Décret du 6 avril 1995 replace les législations existantes dans un cadre global.

- projets ou propositions d'entreprises d'économie sociale répondant aux besoins socioprofessionnels d'une main d'œuvre issue de la marginalisation et se fondant sur la solidarité plutôt que sur le profit.

Aucun service et aucune structure n'est spécifique au problème du vieillissement de la personne handicapée. Celle-ci n'a souvent d'autre choix que de faire appel aux services destinés aux personnes âgées. A noter néanmoins la création d'un établissement d'hébergement destiné initialement aux travailleurs vieillissants d'un atelier protégé (Maison des Aînés au Village N° 1 Reine Fabiola).

 

Il faut préciser que le vieillissement est un phénomène relativement récent chez les personnes atteintes de graves infirmités congénitales ou acquises chez qui les problèmes dus à la vieillesse se combinent à ceux liés au(x) handicap(s).

La personne âgée handicapée et la personne handicapée vieillissante doivent être différenciées en fonction de leur vécu et non pas de leur âge. On sait par exemple que la vulnérabilité physique liée à la vieillesse survient plus tôt chez les handicapés mentaux. Par son vieillissement, la personne handicapée passe souvent de l'état de dépendance à celui de dépendance accrue.

Il est donc nécessaire de mettre en commun les forces des organisations visant les intérêts des personnes âgées et des personnes handicapées. La REGION WALLONNE consulte les personnes concernées par le biais de conseils consultatifs régionaux (3ème âge et personnes handicapées). Sur le plan local, certaines communes disposent également de commissions consultatives (ex : Fontaine-l'Evêque).

La Région wallonne dispose de peu de statistiques spécifiques sur l'évolution de l'espérance de vie des personnes atteintes d'un handicap.

Selon des statistiques autrichiennes, l'espérance de vie moyenne des handicapés mentaux dans leur ensemble a évolué de manière très importante depuis le début du siècle.

En Belgique, une approche générale en terme d'âges, non par catégorie de handicap, mais par type d'institutions a été réalisée.

Néanmoins, nous ne disposons pas encore d'indications concernant les placements de personnes handicapées dans des institutions non agréées, les maisons de repos et les structures psychiatriques.

  

 

ETUDE DES BESOINS

Le vieillissement s'accompagne parfois de modifications et de régressions sur les plans physique, psychique et social.

Une personne handicapée qui, jusque là, était éventuellement autonome, risque d'avoir besoin d'une assistance. Ce besoin est mesuré au moyen de diverses échelles d'évaluation de l'état de dépendance.

Néanmoins, s'il y a lieu de faire la distinction entre la personne âgée qui acquiert des handicaps et la personne handicapée vieillissante, ce deuxième groupe, parce qu'ayant des besoins différents, doit être étudié en fonction du type de handicap : physique, sensoriel et mental, même si, dans un premier temps, il y a lieu de dégager des pistes communes.

Pour toute personne vieillissante, handicapée ou non, il y a lieu de déterminer les besoins et les moyens de les satisfaire dans le sens d'un bien-être physique, mental et social.

Un groupe de travail institué au Conseil de l'Europe a retenu la notion de RUPTURES TRAUMATISANTES pour caractériser les facteurs qui vont peser sur le processus de vieillissement de la personne handicapée.

Ces facteurs sont de deux ordres :

facteurs internes :

- pathologies spécifiques et ajoutées

- changement de personnalité

- atteintes narcissiques

- rôle du miroir

- dépendance physique et/ou mentale

- tendances suicidaires

- fin de vie, phase terminale

b) facteurs externes :

- mise à la retraite

- changement de la structure familiale

- inadaptation du logement (ex : incapacité de monter les escaliers)

- isolement, insécurité, maltraitance

- modification du statut social,

- pension, modification des revenus

- gestion des biens

- déontologie, éthique

 

 

 

A chacun de ces facteurs doivent correspondre une ou plusieurs réponses :

Préventives :

* maintien des acquis, maintenir le passé en vie le plus longtemps possible,

* rôle du médecin (traitement équilibré, pas de surmédication),

* rôle stimulant du personnel soignant :

-respecter les alternances activités-repos,

- maintien des relations affectives et intergénérationnelles, -préparation à la retraite, etc...

 

Et/ou - curatives

* accompagnement social et humain

* formation du personnel

* primes pour l'adaptation du logement,

* prépension en atelier protégé

* pension avant 60 ou 65 ans passerelles facilitant le passage atelier protégé - centre de jour

* télébiovigilence,

* protection des biens

* domotique et aides techniques dans les limites d'une vie sociale décente

* etc...

En ce qui concerne la protection des biens, il s'agit d'attirer l'attention sur la lourdeur de la procédure pour diverses solutions telles que :

- l'interdiction (Code Napoléon)

- le Conseil judiciaire

- la minorité prolongée (1973).

Il y a donc lieu de préférer la loi du 18 juillet 1991 relative à la protection des biens des personnes totalement ou partiellement incapables d'en assumer la gestion en raison de leur état physique ou mental.

Il faut savoir qu'il existe également le Contrat de mandat. Celui-ci vise à ce qu'un mandataire ait pouvoir de représentation de la personne handicapée. Ce mandat peut concerner l'ensemble des biens ou certains biens en particulier.

En matière de logement, se pose la question de savoir s'il faut créer des établissements spécifiques pour polyhandicapés âgés où les besoins d'assistance, de sécurité, d'intimité, d'estime de soi pourraient être rencontrés par un nursing adapté, un logement adéquat, un personnel qualifié et des possibilités d'animations socio-culturelles.

Si c'était le cas, des critères d'entrée, des normes architecturales et de personnel devraient être prévues ainsi que l'obligation d'élaborer un projet de vie.

Il y a aussi l'accueil de personnes handicapées (le plus souvent mentales) en maison de retraite ordinaire pour personnes âgées.

Bien qu'on ne possède aucune statistique sur l'importance de ce mode d'hébergement, la cohabitation est une réalité plus répandue qu'on ne le pense.

Néanmoins les responsables d'établissements pour personnes âgées sont parfois inquiets de la venue de personnes handicapées mentales dans leur institution.

Il est vrai que des troubles de comportement peut affecter la population âgée d'une maison de repos.

De plus, le personnel travaillant auprès des personnes âgées est souvent peu préparé et peu formé.

Mais un certain nombre d'établissements réagissent et cherchent à développer une démarche plus réfléchie qui peut se concrétiser par la mise en oeuvre de projet de vie.

La Fondation de France a réalisé une enquête portant sur 127 institutions . De cette enquête, il est apparu que l'intégration dans une institution est plus souvent un problème de comportement de la personne handicapée.

Seuls les comportements d'agressivité développent un sentiment d'insécurité chez les autres résidents et provoquent des attitudes de rejet.

Par contre, quand il n'y a pas d'agressivité et si une démarche de prise en charge plus individuelle permet à chacun de trouver son mode d'intégration, une cohabitation efficace peut être envisagée dans des institutions qui voudront en avoir la vocation.

Il faudra néanmoins tenir compte de la différence dans les âges d'entrée et de la différence des besoins qui en résultent.

Il apparaît donc que la cohabitation peut être pratiquée sans dommage à condition que des précautions institutionnelles soient envisagées (offre d'activités, soins de qualité, multiplicité des lieux collectifs, respect de l'intimité, conception de l'accueil, organisation efficace du travail, etc .... )

 

 

 

CONCLUSIONS

 

Les différents services doivent être coordonnés et constituer des possibilités pour les personnes en question, et jamais une obligation, l'objectif étant de permettre à la personne handicapée de rester dans son cadre habituel de vie. Il faut à tout prix éviter l'expérience douloureuse et traumatisante du déracinement.

Il est donc nécessaire d'offrir une palette de solutions.

"Il n'y aurait de mauvaise solution que s'il y avait une solution unique applicable à tous". De plus, une solution n'est jamais définitive.

Enfin, il y a lieu d'adapter les structures existantes plutôt que de développer des structures spécifiques.

Le souhait des personnes concernées, c'est le maintien au domicile de leur vie. En coût global pour la collectivité, il est évident qu'il est plus cher de rechercher une solution de transfert en établissement médicalisé. Ce "choix" est par ailleurs de plus en plus aléatoire, par manque de place dans les établissements.

 

 

 

Il y a donc lieu de faciliter le maintien à domicile par des aménagements, par une domotique minimale et évolutive, et par des services de proximité adaptés. Pour ce faire, il y a lieu de croiser la logique des entreprises avec celle des politiques publiques et celle des associations de personnes handicapées.

L'approche du vieillissement de la personne handicapée doit donc s'intégrer dans la logique d'un projet individualisé visant la QUALITE de la VIE et respectant le rythme et les difficultés de chacun.

 

 

Philippe D'HOLLANDER.

Attaché A.W.I.P.H.  (Agence Wallonne pour l'Intégration des Personnes Handicapées)